samedi

ET 1, ET 2, ET 30 - 0 ! (ou presque)

Tout a commencé un beau matin dans le métro. Peut-être faisait-il gris. Mais le matin commence toujours par le métro, et qui dit métro, dit couloir, qui dit couloir, dit quai, qui dit métro, couloir et quai, dit publicités, publicités, publicitééspuublicicricrités.

Au milieu des publicités, cette affiche, qui m'a bien fait rire :
Plusieurs remarques sont à faire, parce que cette affiche ne peut être lue sans s'y connaître un peu en "stade français". Et s'y connaître un peu en "stade français", c'est un des derniers trucs qu'on fait dans la vie, s'il reste un peu de temps, et qu'on a fait tout le reste, c'est-à-dire des trucs nettement plus intéressants* que s'y connaître une peu en "stade français", ce qui m'étonnerait franchement. Une autre façon de faire un apprentissage rapide du "stade français" est d'aller voir un match à Paris, et tout à coup, le sens de l'affiche s'éclaire.

Mais reprenons dans l'ordre chronologique : tout a commencé un beau ou gris matin, etc etc, l'affiche fait rire (à défaut de saisir vraiment son enjeu) etc etc, et je me dis tiens, 5 euros la place (coin haut droit de l'affiche, mais il y a une astérisque, ce qui a son importance deux lignes plus bas), pas cher, c'est l'occas' du siècle, enfin du mois de janvier 2011, bon c'est déjà pas mal.

Je vais voir si c'est possible d'en avoir une, par internet, pof pof, je tapote, pof pof, et il n'y a qu'une chose à dire : Stade français - Toulouse au Stade de France à 5 euros
GROS MENTEURS !!!

Comme dirait le supporter de base : et elles sont où, et elles sont où ces places à 5 euros, tata tata ?! D'où l'astérisque : pour les cent premières places achetées, sachant qu'ils n'en ont vendu "que" 79570, je suis nulle en math, mais je crois que j'ai plus de chance de réussir le concours de CPE que d'avoir une place à 5 euros.
J'ai laissé tomber. Jusqu'au 30 décembre. Ce jour-là, nous étions 2 sur 45 sur le plateau SIMA, Yves Le Fur et moi, 14 sur 80 pour l'étage entier. Nous sommes tous allés manger chez le laotien en face, et contrairement à la désinformation des Bearing (les ennemis, pour ceux qui n'ont pas suivi l'histoire "Mais où va l'argent public - Episode 123"), personne n'a été malade, j'ai même mangé la meilleure soupe à plein de choses de ma vie.

Donc le 30 décembre, seule avec Yves qui est à l'autre bout du plateau, et le frigo qui fait du bruit, j'ose à peine respirer des fois que quelqu'un se rendrait compte de ma présence. J'ouvre Outlook comme tout bon travailleur de bureau aux aurores, bon d'accord il était 10h, et là sur l'intranet de la MdP, oui nous ne parlons qu'en sigles pour signifier que nous sommes entre nous, que vois-je, Ô Dieux du stade tout-puissants, dans une petite colonne qui se cache :

Jouez à notre grand jeu pour gagner des places
Stade français - Toulouse
le 8 janvier

J'ai joué, forcément. Il y avait trois questions à la con, genre :
Quel est le poste de Dimitri Szarzewski
1 - Gardien de but
2 - Talonneur
3 - Ramasseur de ballons

Quel pays a remporté la dernière coupe du monde de rugby
1 - L'Autriche
2 - Trinidad et Tobago
3 - L'Afrique du Sud

Dans quel pays sera organisé la prochaine coupe du monde
1 - La Russie
2 - Le Paraguay
3 - La Nouvelle-Zélande

J'ai joué 5 fois toutes les heures pendant 2 jours, histoire de multiplier les chances de gagner.

Mardi 4 janvier, je reçois un mail de C. J. (enchantée), qui me dit que j'ai été tirée au sort, et que je peux venir récupérer mes deux places rue Lobeau (c'est la Rue de la Peur : la rue de la DRH de la MdP, quand tu y vas, soit c'est pour la visite médicale, soit c'est que tu es arrivé en fin de contrat et que la recherche d'emploi t'attend, soit on va t'expliquer que tu ne fais pas l'affaire, et que la recherche d'emploi t'attend, dommage) au 4ème étage bureau 154, le mercredi 5 janvier de 10h à 17h.

Première question : c'est quoi ces horaires, à part une incitation tacite à faire de la désertion de poste ?
Deuxième question : Anne-Gaëlle (ma collègue qui elle aussi a gagné des places), on y va à quel moment demain ?
- A la pause de midi, t'as quoi à faire demain ?
- Je vérifie des DSF, je reprends les anos de Caroline, et l'après-midi je suis à Delesseux avec Anne-Sophie.
- Oh ben si t'es sur site, t'as tout le temps d'y aller.
Mercredi, 12h45, on est parties. Anne-Sophie nous accompagne. On se retrouve à Chatelet-Les-Halles, comme dans la jolie chanson de Florent Pagny, et qu'est-ce qu'il y a sur le chemin entre Chatelet-Les-Halles et Rue de la Peur ? La rue de Rivoli. L'antre du consumérisme et du magasin 36-15 qui n'en veut. Anne-Sophie cherche des bottes fourrées parce qu'elle se gèle les pieds, Anne-Gaëlle cherche de la vaisselle parce qu'elle est déprimée par l'absence d'Antonio Luis Carbonell de Reyes (un ennemi, un Bearing, mais comme le critère de recrutement dans cette boîte est le physique + la grande école + le cosmopolitisme, Antonio est une bonne raison de se lever le matin pour aller travailler), puisqu'il est en Colombie avec sa famille et qu'il ne revient que le 12 (jour des soldes). Malheureusement je ne cherche qu'un tabac, parce que je n'ai plus de cigarettes, et j'en trouve pas. Oui il n'y a pas de tabac rue de Rivoli, trop cher le pas de porte, alors j'en finalement dans un petite rue.

Rue Lobeau, je récupère les places, et à mon nom, C. J. me dit : ah, c'est vous qui avez joué 60 fois ? Vous savez ça sert à rien, j'ai enlevé les 59 autres fois, parce qu'il faut que cela soit équitable entre chaque participant, mais je suis contente que vous ayez gagné, vous vouliez y aller à ce match...
Hem, petit embarras... J'avais un peu que ça à foutre pendant deux jours... Puisqu'il n'y avait personne pour voir les FS, et récapituler tous les SIFLU sur la IW31. Mais tout le monde s'en fout de mes prétextes à la con.

Nous repartons avec les sésames en poche : 2 places à 35 euros quand même, tribune ouest (dans le début du virage nord, bon emplacement...). Je savais bien que les places à 5 euros c'était pour les unijambistes de moins de 12 ans de l'association "Une jambe en moins, et alors ?".

Samedi 8 janvier14h25 : Sophie doit venir au match, parce que éh Toulouse, j'y ai vécu 2 mois, mais c'était intense. Et puis elle a la culture supporter par nature. Ceci dit, le rugby, Toulouse, le Top 14, on est un peu néophytes toutes les deux. 14h25, elle m'apprend que peut-être elle ne pourra pas venir, elle attend le médecin chez une amie qui ne va pas bien. On se donne quand même rendez-vous à 15h20 à l'arrêt Saint-Denis Porte de Paris.

Ligne 13 blindée, il est 15h55 quand on arrive enfin à se rejoindre. J'ai même eu le temps de me faire une amie de 12 ans qui revenait d'Auchan sur le quai : sa soeur était repartie au supermaché parce qu'elle avait oublié ses cahiers d'école. Va savoir 1- ce qu'elle faisait avec ses cahiers d'école au supermarché ? 2 - Comment elle a pu les oublier là-bas et où ? 3 - Si elles étaient vraiment soeurs (parce qu'elles se ressemblaient pas du tout et qu'elles avaient le même âge) ? 4 - pourquoi elle faisait les courses ? Mais là elle m'a dit que c'était parce que ses parents travaillaient, alors va pour les parents qui travaillent.

Nous rejoignons la foule qui se rend au stade, question con : mais il est où (entre le périph, l'autre périph, la troisième bretelle d'autoroute, et que sais-je) ? Ben devant toi, le truc énorme avec les mats. On a de la chance, la partie S de la tribune ouest est une des plus proche de la ligne 13, on aurait pu arriver par le RER et devoir contourné tout le stade, qui est un peu gros quand même.
S3, rand 69 et 72, place 1 et 9. On est même pas à côté c'est quoi ces places à la con ?! N'empêche le rang 69 (peut-être ceci explique cela) est un des seuls où il y a plusieurs places vides côte à côte. On s'assoie, on est contente.

Alors me direz-vous pourquoi toute cette histoire et pourquoi la raconter depuis le début ?

Et bien parce que les toulousains se sont pris la méga tôle. Que notre voisin de derrière qui soutenait Paris nous faisait la leçon parce qu'on soutenait Toulouse. Que les toulousains, même pour des néophytes comme nous, ont été NULS A CHIER. Je me serais crue un soir de désespoir à Geoffroy Guichard, tellement ils étaient mauvais. Et que ce naufrage des leaders du Top14 nous a obligé à assister à un spectacle monstrueux, à savoir le déploiement spectaculaire de l'armada du Stade Français. Et c'est là qu'on comprend mieux l'affiche, tout à coup (oui parce que regarder les joueurs jouer devient accessoire). On a eu droit à tout, absolument tout ce qui se fait de kitch dans le monde du sport.

1- le moto cross : en ouverture, pour attendre le match. Heureusement on était en retard et on a entendu que quelques moteurs de pétrolettes qui faisaient des acrobaties.
2- Un haka tout pourri par des petits enfants jockeys (à moins qu'ils ne soient adultes comme les jockeys c'est petit), oui je ne sais pas ce qu'ils venaient faire là, et pourquoi ils faisaient un haka, je croyais ça réservé aux All Black, mais bon passons...

3- Le défilé des Rois mages. Sisi, je vous jure. Il y avait Gaspard, Melchior et Balthazar, spécialement pour nous, pieds nus et avec leur compagnie, des dromadaires, des yachs (!), des gnous (!!), des lamas (!!!), des conducteurs de char à boeufs, et par conséquent, des boeufs qui tiraient un char, un cheval qui faisait des pirouettes de cheval, bref, c'était l'épiphanie. Ou le black out. Ou le grand n'importe quoi de chez n'importe quoi.

4- L'arrivée de l'étoile (du berger qui guide les rois, mais elle arrive après, une sorte de problème de chronologie peut-être), une énorme étoile sur un char, avec des danseuses qui bougent les bras de manière orientale, et des pauvres gus qui tirent le char et le poussent, toujours pieds-nus en plus (mais bon il pleuvait pas encore, ils ont eu de la chance un peu). Ils s'arrêtent au milieu du terrain, et puis ils ouvrent l'étoile, et là, une femme toute de doré vêtue, et surtout quasi à poil en haut, oui j'ai eu un doute un moment, je pensais qu'elle était topless, même avec sa peinture dorée, brandit un ballon de rugby doré. Si ça c'est pas une fête païenne... Je sais pas ce que c'est. Je suis même pas croyante, mais j'ai trouvé ça ridicule, voire complètement hérétique. Je veux bien qu'il faille nous occuper, nous la populasse, en attendant le début de match, mais là on atteint le tréfond du grand n'importe quoi. Pauvres bestiaux, et pauvres intermittents du spectacle.

5- L'arrivée de pom pom girls du stade français (oui le stade français est le seul à avoir des pompom girls...), qui se mettent en V, et font froufrouter leurs pompons.
6- Les joueurs entrent : ah ouais, c'est vrai, on venait voir un match de rugby...

7- Déculotté du stade toulousain, qui marque une première pénalité (0-3), seuls points qu'ils marqueront de tout le match, fallait pas les rater. Trois secondes plus tard, égalisation du stade français, puis un premier essai, puis une nouvelle pénalité. Aaaah la mi-temps ! On prend les mêmes et on recommence.

8- Arrivée d'une limousine rose bonbon (couleur du stade français), d'où sortent nos pom pom girls. D'ailleurs le commentateur du stade nous le dit, ah elles sont là, blabla, elles sortent, formidable, blabla, elles entament une danse endiablée sur l'album en entier de Lady Gaga, on aime ou aime pas, pour finir sur Bad Romance, oh yeah, so great, you move so well, mais elles font aucune acrobatie. Déçue. Trop déçue. Moi je le voyais à l'américaine, avec haute-voltige, comme pour le seul match de foot américain que j'ai vu, mais non. Pom pom girls au rabais, va !
9- Déculotté 2 le retour, moult pénalités, un essai non transfromé pour le stade français, et alors que l'horloge des 80 minutes marque la fin du match (oui ils ont un bruit de clocher pour chaque fin de temps de jeu, très solennel, bong bong bong bong, parce qu'il n'y a pas d'arrêt de jeu au rugby, contrairement au foot, on finit juste l'action entâmée), voilà-t-y pas que ces putains de parigots marquent encore un essai. Le déshonneur total. La honte. Y'a plus qu'à rentrer chez mémé et se mettre sous les draps. Ce soir c'est la france de je m'en fout qu'il y ait de la neige qui a perdu contre Paris au secours il y a trois flocons. Schématiquement parlant.

10- Et ça applaudit mollement en brandissant des drapeaux roses.

11- Spectacle pyrotechnique offert par PMU.
Tout le monde reste.
C'est le moment ou jamais d'y aller.
Ben ouais, métro blindé.

La rencontre en quelques chiffres
Score : 31-3
Spectateurs : 79570
Noms de joueurs retenus : 1 (J. Dupuy, le buteur de Paris, qui a transformé 3 essais sur 4 + qui a tiré toutes les pénalités)
Gros cons dans le périmètre : 1 mais ça suffit à souler, aller, on se sert la main ?
Temps de trajet : 1h30 aller-retour, moins qu'annoncé par la RATP
Nombre de pom pom girls : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 (elles sortent de la limo), 9, 10, pff, 24 ?
Taux de satisfaction : 7/10 (ça c'est fait, c'était un bon samedi, et il ne faisait pas froid)
Nombre de Johnny Halliday : 0. A mon grand étonnement. Qui dit stade de france, dit Johnny. Non ?

Et maintenant, les remarques sur l'affiche en conclusion :
1- La petite voiture : dans le coin gauche de l'affiche, c'est un élément super important dans l'animation du match, et la fédération des jeunes et moins jeunes supporters du stade français, cette petite voiture apparaît à chaque pénalité pour apporter le ballon au buteur (mais que du stade français, elle est rose, son signe d'appartenance). Elle fait la joie des bambins qui la trouvent trop cool et qui l'attendent avec impatience papa, papy, elle est où la petite voiture ? Oh regarde, la petite voiture. Casse-toi petite voiture. On est pas à JouéClub la veille de Noël. Avis aux amateurs : un job trop bien, télécommandeur de la petite voiture du stade français. Mouais !

2- Le maillot léopard sur fond rose : il est véridique, déjà vintage, on se l'arrache. Rose encore, c'est rigolo et osé. Léopard, c'est juste du mauvais goût. Et les gars, on veut bien voir la part de féminité qui est en vous, de là à être une atteinte à la féminité...

3- Le côté superhéros disproportionné : vus les coups qu'ils se mettent et qu'ils se prennent, je suis pas contre. C'est encore plus impressionnant en vrai, de voir un mec de 100 kg qui court, qui se fait stopper net par une baraque de 100 kilos, qui s'effondre, et qui se fait marcher dessus, puis ettouffer sous une pile de mecs de 100 kilos. Ca fait 400 kilos au bas mots au-dessus.

4- Les tribunes rose : ça aussi c'est véridique, les parisiens viennent avec leur drapeau et dès qu'il y a essai ou pénalité, ils les font tournoyer. C'est pas très joli. Le rose est osé, mais on se croirait quand même à un séminaire sur le PQ. Les toulousains viennent avec leur harmonie, ils jouent des chouettes musiques de fête, et même en minorité, ça a plus de gueule.

5- L'avion de largage : effectivement, les toulousains ne s'étaient pas remis 1- du décalage horaire 2- du parachutage. Ils étaient inexistants. Triste à dire, mais même en étant de mauvaise foi, il n'y a pas grand chose à faire pour rattraper leur nullité.

6- La publicité, partout : ça aussi, c'était bien là. Et si j'étais méchante je dirais : le stade de france c'est comme le métro, sauf qu'au lieu d'être 200 à gober leur connerie, on est 80 000.

Alors pendant qu'on nous refourgait par télépathie insistante des forfaits de téléphone, des paris sur les chevaux, des journaux, des assurances vie, on mangeait des bonbons, et du sandwich au pâté.

Pour finir Miss Damon, en fin de match (qui pense aux courses à Franprix, enfin apparemment).